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Lorsqu’il s’agit d’écrire, chacun a sa méthode. Tandis que certains préfèrent travailler dans un environnement calme, une tasse de thé fumante à la main, d’autres préfèrent l’effervescence de la terrasse d’un café. Sur les sites spécialisés comme sur les réseaux sociaux, les conseils pour élaborer sa routine d’écriture fleurissent. Pourtant, cette pratique ne date pas d’hier ! Colette, Flaubert, Proust, Hemingway, Beauvoir, Balzac… tous avaient, eux et elles aussi, leurs propres rituels et leurs petites habitudes.
Cette semaine, les Éditions Baudelaire vous dévoilent les routines d’écriture de quatre auteurs et autrices célèbres – routines qui ne manqueront pas de vous étonner !
Véritable monument de la littérature américaine, lauréat du Prix Nobel de littérature en 1954, Ernest Hemingway s’entiche de Paris où il vit durant plusieurs années. Dans son roman Paris est une fête, l’auteur se remémore ses années de bohème à la capitale et retrace son parcours de jeune écrivain. Ce récit autobiographique nous renseigne sur les habitudes de l’auteur et sa routine d’écriture. Une chose est sûre, Hemingway n’est pas du genre à « se la couler douce » !
« Lorsque je travaille sur un livre ou une histoire, j’écris tous les matins, dès les premières lueurs, le plus tôt possible. » confie l’auteur dans The Paris Review, lors d’une interview en 1958. Dans Paris est une fête, il explique également qu’il loue un petit studio dédié à l’écriture pour ne pas être dérangé ; il y fait froid, mais se plonger dans son récit le « réchauffe ». L’auteur écrit jusqu’à 14 heures environ et alterne entre des phases d’écriture et de relecture : « Tu lis ce que tu as écrit et, comme toujours, tu arrêtes lorsque tu sais ce qui arrive ensuite, et tu repars de là. »
Bon vivant, il n’est pas rare non plus de retrouver l’auteur à la terrasse d’un bistrot ou dans un restaurant populaire de Paris. Il y boit du vin (et bien d’autres breuvages), déjeune, répond à ses lettres et continue à écrire ses romans, parfois jusqu’au soir. Il faut avoir le foie bien accroché pour écrire comme Hemingway…
Simone de Beauvoir, sans doute la femme de lettres et la philosophe la plus renommée de son temps, a, elle aussi, une routine d’écriture bien rodée. Dans une interview qu’elle donne également au Paris Review, en 1965, l’autrice renseigne sa journée type de travail.
Contrairement à Hemingway, Simone de Beauvoir n’est pas vraiment matinale : c’est avec une tasse de thé, à 10 heures du matin, que la journée commence. Avant cela, l’autrice prend son temps et se laisse parfois aller à la procrastination. Une fois installée à son bureau, elle relit d’abord les écrits de la veille pour retrouver son élan d’écriture. Elle travaille ainsi jusqu’à 13 heures. Une grande partie de l’après-midi est consacrée au temps libre : l’autrice déjeune, s’entretient avec ses amis, se promène… Les interactions avec ses proches sont une part essentielle de sa méthode d’écriture, loin du cliché de l’écrivain terré dans son étude.
Simone de Beauvoir rentre généralement vers 17 heures et se remet au travail jusqu’à 21 heures. Le reste de la soirée, elle lit, écoute la radio ou bien s’accorde une sortie au cinéma.
On ne vous fait pas l’affront de présenter Balzac, grand auteur du XIXe siècle et pilier du mouvement réaliste. Son œuvre est gargantuesque : ce sont plus de quatre-vingt-dix romans et nouvelles qui composent La comédie humaine ! Lorsqu’on se penche sur la routine d’écriture de l’auteur, on comprend mieux d’où vient cette productivité. Jules Champfleury dédie un essai entier aux habitudes d’écriture du célèbre écrivain, Balzac, sa méthode de travail. Celle-ci a, en effet, de quoi surprendre : c’est 15 heures de travail qui attendent le romancier chaque jour – et, d’après la légende, une cinquantaine de tasses de café !
La journée de Balzac commence à minuit, il écrit toute la nuit et ne s’accorde une heure de repos ou une promenade qu’à partir de 7 heures. Dès 8 heures, le voilà de retour à son étude, il ne la quitte plus avant 16 heures. Vient alors l’heure du déjeuner : deux heures lui sont imparties… Pas question de se coucher tard, le réveil sonne à minuit le lendemain !
Nathalie Sarraute, figure emblématique du Nouveau Roman, laisse derrière elle une œuvre théâtrale et romanesque qui marque le XXe siècle par sa modernité.
Jusqu’à sa mort, en 1999, l’autrice se livre presque quotidiennement à un rituel d’écriture, sans doute né durant la Seconde Guerre mondiale. C’est au café Le Marceau, à deux pas de chez elle, que Nathalie Sarraute se rend pour écrire, munie de deux stylos, de carnets et de feuilles volantes. Assise à la même table, elle commande toujours la même chose : un café et un pot d’eau chaude. Dans l’effervescence de ce café de Paris, l’autrice peut relire à voix basse ses textes sans déranger qui que ce soit. Il faut rappeler aussi qu’entre 1939 et 1945, la tendance est au rationnement : seuls les cafés, brasseries et restaurants sont chauffés.
Fait curieux, on remarque d’autre part que l’écriture de Nathalie Sarraute s’incline systématiquement sur le bord droit des feuilles. Parmi les experts, de nombreuses théories voient le jour : certains pensent que cette aspérité dans la graphie de l’autrice suit la forme ronde du marbre de sa table fétiche.
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Ces routines d’écriture diverses et variées montrent bien une chose : il n’y a pas de méthode d’écriture imparable. Inutile de travailler d’arrache-pied comme Balzac ou de se lever aux aurores comme Hemingway pour établir une routine d’écriture efficace. C’est à vous d’imaginer la méthode qui vous convient le mieux. L’important, c’est d’être régulier dans sa pratique et de ne pas se décourager.