Le blog
Dans le domaine littéraire, on tend à penser que personne n’écrit jamais pour soi. L’écriture s’inscrit dans un processus de communication avec un émetteur, un message et un récepteur ; c’est un dialogue qui engage l’écrivain et son lecteur – imaginaire ou ciblé. Comme dans tout exercice de communication, l’enjeu principal est de s’adapter à son public. Gardez à l’esprit qu’un livre, aussi bien écrit soit-il, ne fera jamais l’unanimité. En apprenant à connaître vos lecteurs, vous serez plus enclins à les tenir en haleine, à briser les codes, à subvertir leurs attentes pour les surprendre, sans pour autant trahir votre singularité.
Pour vous, cette semaine, les Éditions Baudelaire brossent le portrait de différents types de lecteurs. Peut-être vous reconnaîtrez-vous dans quelques-unes de ces catégories !
Un livre est comme une porte ouverte sur l’imaginaire. Par ce biais, certains lecteurs cherchent à s’évader, à être transportés loin du quotidien. Ce ne sont pas tous de grands fans de fantasy ou de mondes fictifs, loin de là. Tout ce qu’ils souhaitent, c’est être divertis en s’immergeant pleinement dans l’intrigue, les relations nouées entre les personnages, leurs émotions, etc. Le Rêveur est certainement le type de lecteurs le plus répandu – tous les lecteurs n’en sont-ils pas ?
Ils ont soif de détails et d’un ouvrage qu’il fasse « illusion ». Pour les séduire, il faudra apporter un soin particulier à l’univers et aux protagonistes que vous mettrez en scène. En créant des ponts entre la réalité de vos personnages et celle de vos lecteurs, vous favoriserez l’identification, et donc l’immersion dans le récit.
Le lecteur Exigeant est souvent un grand bibliophile : il dévore les ouvrages les uns à la suite des autres. Au fil de ses lectures, il rencontre de nombreux schémas narratifs et ne se laisse pas berner par des ficelles scénaristiques trop évidentes ou une intrigue mal développée. Extrêmement difficile à satisfaire, il se montre intransigeant face à la moindre maladresse. Tout doit être impeccable. Soyez attentifs à votre style, à votre rythme, à votre syntaxe et, comme dans le cas du Rêveur, à tous les détails qui composent votre univers fictif. Le jeu en vaut la chandelle car si l’Exigeant est conquis, il portera votre livre aux nues et le défendra bec et ongles ; c’est un allié fidèle.
N.B. : parmi les lecteurs Exigeants, on trouve notamment les éditeurs… Gardez cela en tête lors de la relecture de vos manuscrits.
L’archétype du Juste émerge particulièrement chez les jeunes lecteurs. Celui-ci est au fait de toutes les grandes problématiques sociales de son époque. Motivé par des lectures respectueuses de l’intégrité de chacun, en quête de personnages divers et bien construits, il traque sans relâche les stéréotypes. Finis les princes charmants irréalistes, les belles demoiselles en détresse, les héros virils à la musculature impeccable, les femmes fatales sans développement psychologique et les personnages secondaires relégués à leur ethnicité ou à leur orientation sexuelle ! Le Juste exige que les codes soient bousculés, il recherche des schémas littéraires encore (trop) peu exploités et questionne les normes établies.
Prendre en considération les intérêts du Juste lors de la création de votre ouvrage vous mènera souvent loin des sentiers battus. Par ailleurs, en vous interrogeant sur de vraies problématiques sociétales et individuelles plutôt que sur des situations stéréotypées, vous apporterez bien plus de nuances et de complexité à vos personnages.
Cet archétype est sans doute celui qui cause le plus de tracas aux auteurs : il met le doigt sur tout ce qui ne va pas. Assez proche du lecteur Exigeant, il n’hésitera pas à mettre votre manuscrit à feu et à sang en décelant la plus petite coquille ou la moindre incohérence. Le Critique met à l’épreuve l’auteur et est souvent source de doutes et de remises en question.
Pourtant, son regard est essentiel dans le processus créatif : en révélant les failles de votre intrigue, de votre style, de vos personnages, le Critique met en lumière des points à améliorer. Partez du principe qu’une remarque constructive, bienveillante et argumentée est toujours bonne à prendre ; c’est à vous de juger ensuite de sa pertinence.
Pierre Bayard, éminent critique littéraire contemporain, publie en 2007 un essai au titre intrigant : Comment parler des livres que l’on n’a pas lus ? Dans cet ouvrage, il développe la théorie selon laquelle ne pas lire est déjà un acte de lecture. D’après Bayard, il est tout à fait pertinent de parler de livres que nous n’avons jamais ouverts et cette distance entre le Non-Lecteur et le texte est un espace de réflexion fécond.
Difficile de tenir compte de ce profil lors de la rédaction de votre ouvrage. Pourtant, le Non-Lecteur peut vous inciter à soigner tout ce qui relève du paratexte, c’est-à-dire, tout ce qui se réfère à votre texte sans en faire partie (le titre, la quatrième de couverture ou la couverture, par exemple). Loin d’être superficiels ou purement esthétiques, ces éléments communiquent déjà une information, une impression sur l’essence de votre ouvrage – et c’est d’ailleurs ce que le lecteur remarque en premier.
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Bien sûr, l’idée n’est pas de satisfaire tous ces profils de lecteurs à la fois. En revanche, prendre en considération ces archétypes peut ouvrir des pistes de réflexion et révéler certaines faiblesses de votre texte. On ne peut que vous encourager à partager et à faire lire vos manuscrits à des proches ou des connaissances qui réagiront en toute sincérité et avec un regard critique.
L’exercice, bien que parfois désagréable, vous prépare à la réalité du statut d’auteur et permet de faire évoluer votre écriture dans la bonne direction, en posant les bonnes questions.