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En parcourant la quatrième de couverture d’un livre, vous vous êtes peut-être déjà heurtés à ce terme, sans vraiment savoir ce qu’il signifiait : « autofiction », qu’est-ce que ça veut dire ?
Cette semaine, les Éditions Baudelaire font la lumière sur ce genre paradoxal, à mi-chemin entre l’autobiographie et le roman.
Le mot « autofiction » apparaît pour la toute première fois en 1977, sur la quatrième de couverture de Fils, une œuvre de l’écrivain Serge Doubrovsky. Ce livre, assez énigmatique, relate la journée de SD (ou Serge), le protagoniste, par le biais d’un long monologue intérieur. On suppose dès lors que l’auteur et son personnage sont une seule et même personne. Pour autant, le récit ne semble pas répondre aux codes traditionnels de l’autobiographie. Étrange !
Décrivant sa démarche, Serge Doubrovsky écrit : « Fiction d’événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d’avoir confié le langage d’une aventure à l’aventure du langage […] ».
« Fiction d’évènements et faits strictement réels […] », drôle de définition, vous ne trouvez pas ? Dès ses prémices, on constate que le genre de l’autofiction se présente comme une antithèse mêlant imaginaire et réalité.
L’autofiction se définit comme un genre littéraire entre les genres. Comme dans une autobiographie, l’auteur, le personnage et le narrateur se réfèrent à la même personne (même si ces trois entités ne portent pas toujours le même nom). Les expériences relatées dans l’ouvrage, une partie des enjeux de l’intrigue peuvent s’inspirer directement de la vie de l’écrivain ou de faits réels.
Pourtant, lorsqu’on lit une autofiction, tout n’est pas à prendre au pied de la lettre ! Le genre offre également une grande liberté d’écriture et l’imaginaire vient souvent rattraper la réalité : certains personnages rencontrés, certaines situations narrées sont purement fictifs et ne s’en cachent pas. On retrouve donc les caractéristiques du roman.
L’autofiction fait cohabiter deux notions a priori paradoxales : le récit autobiographique et la fiction. C’est un genre moderne qui ouvre de nouveaux horizons d’écriture dans la manière de rendre compte d’une vie ou de narrer des souvenirs.
En savoir plus sur les genres littéraires ici : Les genres littéraires histoire et règles
Contrairement à l’autobiographie qui retrace les faits de manière linéaire, détaillée, avec l’idée de rendre pleinement compte de l’expérience vécue, l’autofiction, quant à elle, tente de « mimer » la mécanique des souvenirs.
En effet, la mémoire est lacunaire, c’est-à-dire qu’elle est trompeuse, incomplète : on ne peut pas toujours se fier aux souvenirs, on les réinvente parfois pour combler des espaces vides, on mélange les évènements ou on ne parvient pas toujours à les replacer dans le temps… Avec sa part d’imaginaire, l’autofiction est propice à rendre cet effet de flou, à faire parler l’inconscient et à retranscrire les souvenirs tels qu’ils se présentent à nous.
Dans son autofiction W ou le Souvenir d’enfance, le célèbre auteur Georges Perec a recours à l’imaginaire pour combler l’absence de ses souvenirs d’enfance. De cette manière, l’auteur redonne du sens et de la cohérence à son récit autobiographique, en réinventant une réalité qui lui est propre : « Jusqu’à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes : j’ai perdu mon père à quatre ans, ma mère à six ; j’ai passé la guerre dans diverses pensions de Villard-de-Lans. »
Sans le savoir, vous avez sans doute déjà pris plaisir à lire de célèbres autofictions : À la recherche du temps perdu de Marcel Proust, La naissance du jour de Colette, la plupart des romans de Frédéric Beigbeder, Annie Ernaux ou Amélie Nothomb.
Plus que de vous raconter la vie d’un auteur-personnage dans ses moindres détails, l’autofiction interroge notre rapport à la mémoire et elle offre de nouvelles possibilités narratives. Quand la réalité déborde de son cadre, la créativité est toujours au rendez-vous !